« Après chaque fête de Noël et chaque anniversaire il fallait choisir lequel parmi mes cadeaux devait être attribué à la “nouvelle armoire” dont ma mère conservait la clé pour moi plus tard. Tout ce qui était sous clé restait neuf plus longtemps. Mais dans mon esprit il importait moins de maintenir le neuf que de renouveler l’ancien. Renouveler l’ancien consistait, pour moi qui étais jeune, à le faire mien, et cela, c’était l’œuvre de la collection qui s’empilait dans mon tiroir. Chaque pierre que je trouvais, chaque fleur cueillie et chaque papillon épinglé représentait déjà à mes yeux le début d’une collection et tout ce que, d’une manière générale, je possédais constituait une seule et unique collection.».
« La véritable passion du collectionneur, très méconnue, est toujours anarchiste, destructrice. Car sa dialectique veut ce qui suit : relier la fidélité à la chose, au détail et à ce qui s’abrite en elle, avec la protestation obstinée, subversive contre le typique, contre le classifiable. Le rapport de propriété induit des accents totalement irrationnels. Aux yeux du collectionneur, en chacun de ses objets le monde est présent. Et ordonné. Mais ordonné à travers des connexions surprenantes, voire incompréhensibles au profane. […] Les collectionneurs sont les physiognomonistes du monde chosal. Il suffit d’en observer un manipulant les objets de sa vitrine. A peine les a-t-il pris en main qu’il semble inspiré par eux et paraît comme un magicien regarder à travers dans leur lointain.».